« LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE N’EST PLUS UN CHOIX, C’EST UNE CONDITION DE SURVIE »
Depuis près de 15 ans, Pôlénergie accompagne les acteurs industriels des Hauts-de-France dans leur transition énergétique. À la tête de ce pôle d’excellence régional depuis deux ans et demi, Laurent Courtois détaille les enjeux et les leviers pour transformer cette nécessité en opportunité économique.
Quelle est votre feuille de route et comment travaillez-vous concrètement avec les entreprises de la région ?
Pôlénergie est une association régionale qui couvre l’ensemble des Hauts-de-France, avec un objectif clair : faire de la transition énergétique une opportunité économique et un critère d’attractivité pour les entreprises déjà implantées comme pour celles qui souhaitent s’installer.
Notre force repose sur la diversité de nos adhérents qui représentent l’ensemble de la chaîne de valeur énergie : producteurs, consommateurs, infrastructures, et autres acteurs publics et privés.
Nous ne sommes pas attachés à une énergie ou à une solution de décarbonation en particulier, ce qui nous permet d’adopter une vision à 360° et de rester neutres pour proposer les solutions les plus adaptées aux problématiques de chacun.
Nous accompagnons nos membres – les grands groupes, les PME et les territoires – par du conseil stratégique, de la mise en relation, de la veille technologique et économique, ou encore de l’assistance à maîtrise d’ouvrage.
Notre feuille de route est claire : convaincre que la transition énergétique est non seulement indispensable pour demain, mais qu’elle peut améliorer dès aujourd’hui la compétitivité et la résilience des entreprises.
Sur un territoire à forte empreinte industrielle, quelles conditions réunir pour que la transition énergétique devienne une véritable opportunité ?
Côté production, les Hauts-de-France disposent d’un mix énergétique rare : nucléaire, gaz naturel, chaleur, éolien terrestre, façade maritime…
L’enjeu n’est pas d’opposer ces sources, mais de toutes les mobiliser, pour décarboner. Cette diversité est une chance pour le territoire et un facteur de résilience, donc de coûts moindres pour la collectivité.
Côté consommation, nous travaillons sur la sobriété et l’efficacité énergétique, en aidant les industriels à optimiser leurs usages.
Nous apportons une vision globale grâce à des cartographies énergétiques qui permettent d’éclairer les choix stratégiques des pouvoirs publics et des entreprises.
Car la transition énergétique n’est aujourd’hui plus un choix, c’est une condition de survie !
Les nouveaux acteurs industriels ont des besoins énergétiques massifs. Comment y répondre ?
Qu’il s’agisse de gigafactories, de data centers ou de constructeurs de véhicules électriques, leurs besoins sont souvent très spécifiques, principalement en électricité, parfois en vapeur, comme chez Verkor. Nous réalisons des bilans énergétiques territoriaux à l’échelle régionale ou locale pour anticiper ces besoins et vérifier si le réseau peut les absorber. Au-delà du flux physique, il faut également considérer le flux économique : certains nouveaux entrants ne sont pas aussi sensibles au prix de l’énergie comme le sont les industriels traditionnels.
Enfin, il y a le flux financier : avoir de la visibilité sur les coûts futurs reste un enjeu pour tous.
Après l’ARENH,
la VNU…
– Mis en place en 2011, ce dispositif permettait aux fournisseurs alternatifs d’accéder à l’électricité nucléaire d’EDF à un prix régulé (42 €/MWh) et de favoriser
la concurrence sur le marché de l’énergie.
– À partir du 1er janvier 2026, l’ARENH sera remplacé par un nouveau dispositif transformant l’accès à l’énergie nucléaire française : le versement nucléaire universel (VNU).
– Le VNU repose sur un système de taxation d’EDF progressive : au-delà d’un certain prix du MWh, EDF reversera une partie de ses revenus excédentaires à l’État (jusqu’à 90 %
au-dessus d’un second seuil).
– Ce nouveau mécanisme est pensé pour protéger les consommateurs des flambées de prix, tout en garantissant à EDF des revenus stables.
Et le CAPN !
– Le Cadre de Plancher et de Plafond sur le Nucléaire (CAPN) est destiné à encadrer les prix pour certains grands consommateurs, notamment les industries électro-intensives.
– Il prendra la forme de contrats encadrés à long terme, définissant un prix plancher pour EDF et un prix plafond pour l’acheteur
Le coût de l’énergie reste une préoccupation majeure pour les industriels, malgré la récente stabilisation des prix. Quelles stratégies peuvent-ils mettre en oeuvre à court et moyen terme pour sécuriser leur approvisionnement tout en maîtrisant leurs charges ?
Nous évoluons en effet sur un « plateau haut » des prix qui sont, pour l’heure, stabilisés. Plusieurs leviers existent. Le premier est de parvenir à flexibiliser sa consommation : consommer aux heures les moins chères peut améliorer la compétitivité, surtout si c’est anticipé et accompagné de rémunérations pour cette flexibilité. Stocker l’énergie est un second levier : comme certains producteurs le font déjà avec l’éolien, les consommateurs pourraient installer des capacités de stockage.
Enfin, diversifier ses sources d’approvisionnement est un enjeu fort : autoconsommation (panneaux photovoltaïques), récupération de chaleur fatale, valorisation des déchets, etc. Ces solutions offrent souvent un retour sur investissement rapide. La clé est d’avoir une vision claire de son modèle économique pour orienter au mieux ses investissements.
Quels choix stratégiques faut-il poser dès aujourd’hui pour rester compétitifs dans un monde bas carbone ?
Deux questions essentielles se posent : le produit ou le service que j’offre sera-t-il toujours pertinent demain ? Et la façon dont je le produis est-elle décarbonée ?
La décarbonation doit intégrer efficacité et sobriété énergétiques, mais aussi vision stratégique. Certaines entreprises l’ont déjà compris, parfois des PME plus agiles
que de grands groupes. Dans les Hauts-de-France, nous avons une longueur d’avance, notamment grâce à la stratégie régionale Rev3, initiée dès 2013, mais il faut continuer à investir pour rester compétitifs
