
LAURENT FISCHER, Directeur général de CARTONNERIE GONDARDENNES (à gauche) et PAUL-LOUIS TRONQUOY, Président de la SMFM.
PARTENARIAT CARTONNERIE GONDARDENNES – FLAMOVAL : CHALEUR FATALE, CARTON VITAL !
En 2020, bien avant l’explosion des prix de l’énergie, la Cartonnerie Gondardennes et le SMFM Flamoval ont relié leurs destins via un réseau de chaleur de 3,7 km. À Wardrecques, dans le Pas-de-Calais, la vapeur de Flamoval a remplacé le gaz et sécurisé l’outil industriel. Cinq ans plus tard, le modèle a fait ses preuves et ouvre la voie à de nouvelles extensions pour accélérer la décarbonation du site.
En 2018, bien avant la crise énergétique, la Cartonnerie Gondardennes (CGW Packaging) et le Syndicat mixte Flandre Morinie (SMFM) ont scellé un partenariat inédit : acheminer, via un réseau de vapeur calorifugé de 3,7 km, la chaleur du centre de valorisation énergétique Flamoval jusqu’au site de Wardrecques. Objectif : sécuriser une énergie locale, compétitive et bas-carbone pour un process papetier très exigeant en vapeur, tout en bouclant la boucle des déchets papier.
Mis en service en 2020, le réseau a tenu ses promesses malgré l’explosion des prix du gaz : un pari environnemental décidé quand le MWh valait alors une quinzaine d’euros. Ce réseau de chaleur innovant a aussi participé à sécuriser l’avenir industriel de l’entreprise familiale créée en 1897.
Avant la crise, déjà une solution…
« Ce n’était pas un projet financier mais un projet visionnaire », résume Laurent Fischer, Directeur général de Cartonnerie Gondardennes. Avec deux machines à papier et trois onduleuses, le site, leader français et européen, produit plus de 250 millions de m2 de plaques de carton. Entièrement intégré entre la Papeterie et la Cartonnerie, il opère en circuit fermé sur ses eaux de process. Depuis 2016, une station d’épuration avec méthanisation valorise les effluents et fournit 5 à 7 % des besoins énergétiques. Le carton a beau être un matériau quasi intégralement recyclable, le processus papetier est quant à lui énergivore. « Nous voulions décarboner une activité qui, par nature, consomme beaucoup d’énergie et d’eau. La conjoncture nous a donné raison », se félicite-t-il. Le principe de l’accord était simple et efficace : au travers d’un réseau de 3,7 km, Gondardennes envoie de l’eau à Flamoval ; le Centre de Valorisation Énergétique (CVE) la transforme en vapeur surchauffée à 230°C et la renvoie à l’usine, où elle alimente le séchage du papier produit dans le process industriel. L’accord porte sur un fonctionnement du réseau sur 7 mois de l’année durant l’été où il apporte environ 50 % des besoins énergétiques de l’entreprise. « Par rapport à 2020, Flamoval nous permet d’éviter entre 20 000 et 25 000 tonnes de CO2 par an ; le biogaz ajoute environ 5 000 tonnes d’économies », détaille Laurent Fischer. Fin 2024, l’usine affichait -38 % sur ses émissions (scopes 1 et 2). Des discussions sont actuellement engagées avec le SMFM pour passer d’un fonctionnement saisonnier à douze mois, ce qui porterait la décarbonation des scopes 1 et 2 à plus de 60 %. L’objectif affiché est d’inclure aussi un objectif de – 40 % sur l’ensemble des scopes 1, 2 mais aussi 3. Au total, l’industriel a investi près de 14 M€, dont 5 M€ d’aides européennes sur Flamoval. De son côté, le SMFM a investi 4 M€ sur son site.
Accord visionnaire, retour gagnant !
Côté collectivité, le pari est également gagnant. « Le dossier a été monté à une époque où le CVE produisait essentiellement de l’électricité. Il fallait oser basculer vers la vente de vapeur », se souvient Paul-Loup Tronquoy, à l’époque premier vice-président. Un contrat de dix ans a sécurisé un prix et un retour sur investissement rapide (cinq à six ans), avec des coefficients correcteurs pour que « tout le monde s’y retrouve ». Le SMFM, qui fonctionne 24/24 et 7j/7, traite jusqu’à 100 000 tonnes de déchets ménagers et assimilés par an, avec un taux de valorisation de 98 %. Selon les années et les signaux de marché, Flamoval alterne entre revente de vapeur (7 à 10 mois) et revente d’électricité l’hiver ; cette souplesse optimise la ressource et les finances publiques. « Nous n’avions pas imaginé être aussi rapidement rentables. Pensé avant crise, le pari est devenu un avantage concurrentiel : des tonnes de CO2 évitées, des coûts stabilisés et un territoire qui gagne sur toute la ligne », poursuit l’élu, président du SMFM depuis 2020.
Au-delà des chiffres, le partenariat coche toutes les cases de la réindustrialisation durable : énergie locale, réduction d’empreinte, ancrage territorial et boucle matière-énergie. Les retombées immatérielles sont réelles et les récompenses nombreuses : label « Vitrine Industrie du futur », Trophées de l’économie responsable (Réseau Alliances), Trophées de l’eau (FNCCR), reconnaissance de la French Fab, mises en avant jusqu’au Parlement européen et dans la réserve de biosphère UNESCO du marais audomarois. « Il y a eu des embûches,
c’est un projet complexe, mais la solidarité n’a jamais manqué », insiste Paul-Loup Tronquoy.
Vision long terme et partenariat public-privé
La phase 2, à l’étude chez Cartonneries Gondardennes, vise l’extension temporelle du réseau et l’optimisation du mix énergétique, en complément d’un travail sur la cogénération et une amélioration de la productivité et l’utilisation du biométhane. Des modèles similaires pourraient bénéficier aux parcs industriels, aux giga-usines et demain aux data centers en quête de compétitivité décarbonée. Un message pour d’autres territoires et industriels qui seraient tentés de dupliquer le modèle ? « Une vision
long-terme et un partenariat public-privé de confiance », répondent d’une même voix l’industriel et l’élu. La proximité d’une source de chaleur fatale est un prérequis ; le reste relève de l’ingénierie, d’un partage équilibré des risques et d’un phasage réaliste des travaux. Cinq ans après la mise en service, le bilan est clair : une énergie plus prévisible et moins carbonée, une compétitivité renforcée, des emplois pérennisés et un écosystème local dynamisé. « Le doute doit habiter le chef d’entreprise comme le responsable public, mais ici le pari risqué est devenu pari gagné », conclut Paul-Loup Tronquoy.
À PROPOS DE Cartonnerie Gondardennes
– Date de création : 1897
– 3 métiers : papetier, cartonnier, transformeur (grandes séries)
– Outil de production : deux machines à papier, trois onduleuses et des machines de transformation
– 450 salariés
– 250 millions de m2 de carton / an
– 180 000 tonnes de papier / an
– CA 2024 (site de Wardreques) = 123 M€