Interview de Éric Brassart, Expert technologique et ancien Directeur Général de NYRSTAR France

Interview de Éric Brassart, Expert technologique et ancien Directeur Général de NYRSTAR France

Interview de Éric Brassart, expert technologique et ancien directeur général de Nyrstar France NYRSTAR FRANCE : UN PRODUCTEUR UNIQUE DE ZINC PRIMAIRE À AUBY

Seule fonderie de zinc encore en activité en France, Nyrstar Auby s’inscrit dans le paysage industriel des Hauts-de-France depuis plus de 150 ans. Près de Douai, le site produit du zinc de haute pureté et des sous-produits grâce à un procédé d’électrolyse introduit dans les années 1980 : plus propre, mais très énergivore. Et lorsque le mégawattheure atteint des sommets, l’équation industrielle se complique…

En 2021 et 2022, en pleine crise énergétique, le prix de l’électricité a explosé, passant de 50-100 €/MWh à 1 000-1 300 €/MWh. « À ce niveau, toutes les industries électro-intensives, y compris Nyrstar Auby, sont dans le rouge », assure Éric Brassart, ancien directeur général de Nyrstar France, aujourd’hui expert technologique du groupe. Comme beaucoup de sites dits « électro-intensifs », Auby assure une partie de ses besoins grâce à des prix stables. Le reste est acheté sur le marché, et c’est là que réside le problème.

« Nous vendons du zinc, une matière première, un métal dont le prix est fixé par le London Metal Exchange (LME), la place mondiale du négoce des métaux. Nous ne pouvons pas répercuter la hausse des prix de l’électricité. Notre objectif est donc l’équilibre : nous recalculons constamment le point d’équilibre et décidons de réduire ou d’augmenter la production lorsque l’énergie devient compatible avec un résultat positif. Compte tenu de l’évolution extrême des coûts de l’électricité il y a quelques années, nous avons dû aller plus loin et procéder à un arrêt temporaire complet », explique-t-il. Résultat : deux arrêts, un mois en 2021, puis quatre en 2022, en mode « care and maintenance » : pas de production, mais des équipes présentes pour la maintenance, les travaux, le nettoyage et la formation. « C’était une décision industriellement responsable pour éviter un risque financier supplémentaire pour l’entreprise », poursuit l’ancien directeur général.

Visibilité, efficacité, flexibilité.
L’entreprise a tiré une ligne de conduite de cet épisode : visibilité, efficacité, flexibilité. En termes de visibilité, la fin prochaine de l’ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) exige de repenser l’approvisionnement.

« Le système ARENH prendra fin en 2025. À l’avenir, nous devrons obtenir des contrats compétitifs et stables. Nous étudions actuellement comment gérer durablement l’approvisionnement en électricité dans le contexte post-ARENH », explique Éric Brassart.
En terme d’efficacité, l’usine exploite judicieusement les leviers de son procédé métallurgique. « La première étape de notre procédé, le grillage, est exothermique : à 900-950 °C, nous produisons de la vapeur qui alimente l’étape suivante, la mise en solution.
Cette étape est quasiment autonome en énergie », précise-t-il. À l’autre bout de la chaîne, l’électrolyse représente l’essentiel de la consommation : « Nous mesurons en continu le rendement faradique, autrement dit le taux de conversion du courant en zinc, afin de garantir une utilisation optimale de l’électricité ». Pour garantir la disponibilité thermique lors de l’arrêt de l’usine de grillage, deux nouvelles chaudières, d’une capacité totale de production de 40 tonnes/heure, ont été installées. Un projet de récupération de chaleur est également en cours dans le département amont. Enfin, l’empreinte industrielle contribuera également à la production locale : les bassins de stockage des déchets ultimes seront recouverts de panneaux photovoltaïques
pour récupérer de l’énergie.

Lisser la demande, desservir le réseau.
Outre le zinc, Auby consolide ses atouts dans les métaux critiques. Le site raffine depuis 2013 de l’indium, un sous-produit du minerai de zinc, un métal clé pour diverses applications de haute technologie. « Des projets de raffinage se concrétisent aux États-Unis et en Australie ; à terme, nous pourrions étudier des options en Europe si le business plan est solide », confie Éric Brassart. Cette trajectoire fait écho à la stratégie européenne sur les matériaux critiques et à la volonté de relocaliser les liens industriels. Vingt ans après la fermeture de son voisin Métaleurop, Nyrstar Auby demeure un maillon essentiel de la filière zinc française.

Le site a appris à résister aux chocs de prix et à transformer une contrainte en avantage concurrentiel, tout en restant pleinement concentré sur l’amélioration de sa viabilité dans le contexte actuel difficile. Cela témoigne d’une résilience stratégique à l’heure où la maîtrise de l’électricité fait toute la différence.

À PROPOS DE Nyrstar
– Nyrstar est un producteur international de minéraux et de métaux critiques, essentiels à un avenir sobre en carbone.
– Leader sur le marché du zinc et du plomb, Nyrstar possède des sites d’extraction, de fusion et autres activités en Europe, aux États-Unis et en Australie.
– Effectif monde : 4 000 salariés.
– Siège social : Budel-Dorplein (Pays-Bas).
– Les activités opérationnelles de Nyrstar sont détenues à 100 % par Trafigura, l’un des leaders mondiaux indépendants du négoce de matières premières et de la logistique de la chaîne d’approvisionnement.
– Nyrstar Auby est en activité depuis 1869. Ce site est le seul producteur de zinc en France et emploie environ 300 personnes.