CIV 5.0 FAIT MOUSSER LE DIGITAL DÉCARBONÉ
Dans une brasserie roubaisienne, un bac d’huile claire a remplacé des allées de ventilateurs. CIV 5.0 y opère un démonstrateur de « refroidissement par immersion » (Immersion Cooling) taillé pour l’IA et le calcul haute performance (HPC) : moins d’énergie pour refroidir, de la chaleur réutilisée localement… et une vision très concrète de ce que seront les infrastructures numériques de demain.
L’IA et le HPC rebattent les cartes.
Les data centers conçus pour héberger des applications et stocker des données atteignent leurs limites dès qu’il s’agit d’« usiner » la donnée, autrement dit entraîner des modèles, accélérer l’inférence, gérer des puissances unitaires inédites. Résultat : le « refroidissement à l’air » (Air Cooling), énergivore et bruyant, n’est plus adapté. « La question de l’obsolescence des data centers traditionnels devient un sujet tangible.
Nous sommes arrivés au bout des capacités physiques de l’air : il faut changer de fluide », affirme Sébastien Cousin, Co-fondateur de CIV 5.0 avec son frère Jérémy.
À Roubaix, l’IA chauffe la bière.
Pensé comme un banc d’essai ouvert, ce démonstrateur permet de valider la pertinence de l’immersion en conditions réelles, de mesurer les gains et de prouver qu’une contrainte thermique peut devenir une ressource locale.
Le principe de l’Immersion Cooling est simple : les composants électroniques des serveurs sont plongés dans un liquide diélectrique (une huile minérale afin d’éviter les courts-circuits et l’oxydation) pour les refroidir.
La chaleur produite par les serveurs est transférée à l’huile, qui elle-même évacue cette chaleur vers une boucle d’eau grâce à un échangeur. Les températures des boucles d’eau sont bien plus importantes que dans les data centers classiques : 50°C, immédiatement valorisable pour des usages locaux.
À la Brasserie des Lys, CIV 5.0 et l’Université catholique de Lille présentent ce démonstrateur depuis début septembre 2025.
Dans ce triptyque, chacun joue son rôle : CIV 5.0 fournit et opère le démonstrateur ; l’Université catholique de Lille apporte les données et le suivi scientifique ; la brasserie valorise la chaleur au quotidien. Concrètement, l’installation fournit une énergie fatale de qualité pour les cuves au lieu de la dissiper dans l’atmosphère. La maison en a même tiré une « bière digitale », la Q Huit Triple, clin d’œil à cette chaleur d’origine numérique.
Au-delà du symbole, l’intérêt est double : réduire les consommations électriques liées au refroidissement des serveurs et décarboner le site en substituant du gaz par la chaleur récupérée. « Avec le même électron, on fait deux métiers : chauffer l’eau et fournir des services digitaux », résume Sébastien Cousin.
« Venez voir ce qui marche ! »
Les indicateurs mesurant les performances de l’Immersion Cooling sont clairs. Là où la moyenne nationale des data centers affiche un PUE1 d’environ 1,54, le démonstrateur mis en place par CIV 5.0 atteint 1,06.
Le WUE2 quant à lui tombe à 0, puisque le système utilise l’eau froide déjà employée par la brasserie pour son process, cette eau étant ensuite réchauffée et non prélevée en quantité supplémentaire. Enfin, l’ERE3 dépasse 95 % grâce à la valorisation de la chaleur. Côté efficacité de refroidissement, l’immersion permet un gain estimé entre 35 % et 45 % par rapport à l’air.
Ainsi, « pour un serveur qui consomme 1 000 W, 70 watts d’électricité de refroidissement sont nécessaires, contre 800 watts avec de l’air », illustre Sébastien Cousin. Qui souligne enfin que l’implantation en milieu déjà bâti répond aux contraintes du zéro artificialisation nette (ZAN).
Ainsi, le procédé, déjà utilisé dans l’univers des cryptomonnaies aux États-Unis, colle aux attentes des régulateurs, parmi lesquels l’ADEME, l’ARCEP et la Commission européenne qui tendent vers plus de sobriété, de performance vérifiable, de réutilisation de chaleur et d’intégration locale.
« Venez voir ce qui marche ! », lance Sébastien Cousin aux industriels, collectivités ou opérateurs qui voudraient évaluer le potentiel de l’Immersion Cooling avant de le déployer à l’échelle pour des usages divers : piscines, laveries, brasseries, copropriétés, etc.
L’avenir des infrastructures numériques.
Derrière la machine, il y a un homme. À 50 ans, après avoir passé toute sa carrière dans l’entreprise familiale créée par son père et vendue à Etix Everywhere fin 2022, Sébastien Cousin assume une part très personnelle dans le projet. Sa passion pour l’IT conjuguée au désir de transmettre l’ont conduit à nouer ce contrat de parrainage avec l’Université Catholique de Lille, à titre purement bénévole.
Son objectif : accompagner les équipes, ouvrir le démonstrateur aux étudiants, aux chercheurs et aux industriels, documenter les résultats et essaimer les bonnes pratiques. « Si CIV 5.0 peut devenir un outil de pédagogie et d’accélération, j’en serai ravi », confie-t-il.
À Roubaix, ce bac d’huile qui chauffe une bière illustre l’avenir des infrastructures numériques.
Et rappelle une évidence : à l’ère de l’IA, la performance véritable n’est pas seulement de calculer plus vite, c’est de calculer mieux avec moins, et de transformer chaque kilowatt en chaleur utile. En attendant, l’Immersion Cooling est une expérience qui se partage
autour d’une petite bière – forcément digitale – au sein de la taproom de la Brasserie des Lys.
1 Power Usage Effectiveness : mesure l’efficacité
énergétique d’un data center
2 Water Usage Effectiveness : mesure l’efficacité
de la consommation d’eau d’un data center
3 Energy Reuse Effectiveness :
taux d’utilisation de la chaleur fatale
À PROPOS DE CIV 5.0
– Date de création : 2023
– 50 ans après la création de CIV par Serge Cousin, père de Sébastien et Jérémy Cousin
– CIV a été pionnier dans le secteur des open data centers.
L’entreprise a été vendue en 2023 au groupe Etix Everywhere
– CIV5.0 veut démontrer en open data la capacité des solutions Immersion Cooling en matière de performance énergétique du refroidissement et valorisation de
la chaleur fatale
